- RALEIGH (W.)
- RALEIGH (W.)RALEIGH sir WALTER (1552-1618)Soldat, courtisan, explorateur, colonisateur, homme d’État, poète, historien et par-dessus tout un des esprits les plus distingués d’une période éminente de l’histoire d’Angleterre, sir Walter Raleigh (ou Ralegh) fut un personnage considérable des règnes d’Élisabeth Ire et de Jacques Ier. Il offrit sa tête au bourreau, après treize ans de captivité à la tour de Londres. C’était pour crime de haute trahison envers le roi, mais aussi pour avoir offensé l’Espagne dans sa malheureuse expédition de Guyane en 1616, le roi l’ayant relâché pour cette ultime aventure qui se solda par un échec. Étrange, riche et cruelle destinée que celle d’un homme courageux, qui s’identifie à son époque par l’ambition, l’orgueil, le goût de la poésie et de l’aventure, le mépris de la mort.Fils d’un gentilhomme du Devonshire, Raleigh fit ses études à Oriel College, Oxford (1572-1574), non sans avoir, auparavant, combattu sous Coligny à Jarnac (1569) et séjourné deux ans en France. Après Oxford, il fit du droit aux Inns of Court, à Londres, où se complétait l’éducation d’un gentilhomme. Son demi-frère, sir Humphrey Gilbert (1539-1583), l’introduisit à la cour et lui donna le goût de la mer. Ils firent ensemble une première expédition maritime en 1578. À son retour, il fut envoyé en Irlande pour réprimer un débarquement papiste qui fut sauvagement anéanti à Smerwick (1580). Sa carrière de courtisan se poursuivit pendant une dizaine d’années, au cours desquelles il devint le favori de la reine, écrivit des poèmes et des ouvrages en prose relatifs à ses préoccupations du moment ou à ses activités propres — voyages, découvertes, guerre avec l’Espagne. C’est ainsi qu’il rédigea, en 1591, un Récit véridique de la bataille des Açores... entre le Revenge (navire commandé par sir Richard Grenville, 1541-1591) et une Armada du roi d’Espagne , combat où Grenville perdit héroïquement son bateau et sa vie, exploit que célébra Tennyson dans son poème The Revenge . De même, en 1596, il publia un ouvrage sur la Guyane, récit de son expérience au cours du voyage qu’il y fit en 1595.Mais, en juillet 1592, Raleigh tomba en disgrâce pour avoir épousé secrètement une dame d’honneur de la reine, Élisabeth Throckmorton. Il fut tenu à l’écart de la cour cinq bonnes années. Il se consola par un nouveau voyage jusqu’au delta de l’Orénoque, où il espérait trouver de l’or et peut-être aussi établir une colonie anglaise. Il prit également part, avec l’amiral Howard (1536-1624), le vainqueur de l’Armada (1588), et le comte d’Essex (1566-1601), à l’expédition contre Cadix de 1596. Il rentra en faveur peu après; mais la mort d’Élisabeth (1603) marqua la fin de sa carrière de courtisan et d’homme politique.La période douloureuse commence pour des raisons obscures avec un procès en haute trahison (nov. 1603), qui fit de lui un condamné à mort. Jacques Ier commua la peine en détention et le garda à la tour de Londres, où pendant treize années il s’occupa à rédiger sa grande Histoire du monde (History of the World ), dont la première partie parut en 1614. Cet ouvrage considérable avait été entrepris pour le prince Henri (mort en 1612) qui lui portait de l’estime. Il ne fut jamais achevé. Raleigh fut libéré pour entreprendre son second et malheureux voyage en Guyane, expédition qui lui valut la colère de l’Espagne et son exécution.Raleigh n’est pas homme de lettres de métier. Il écrit suivant ses impulsions, ses goûts, ses desseins (politiques ou de toute autre nature). Aussi est-il très difficile de porter un jugement critique sur l’ensemble de ses écrits. D’abord, ils sont dispersés en de nombreuses publications, et souvent controversés. Ses poèmes surtout, peu nombreux, sont prisés par George Puttenham, son contemporain, qui les fait figurer parmi les meilleurs dans son Art of English Poesie. Le Miroir d’acier (The Steel Glass , 1576) est écrit à la louange de Gascoigne, son ami; Le Mensonge (The Lie , publié en 1608) est une amère satire contre la cour; quant aux fragments qui nous restent du grand poème pastoral The Ocean to Cynthia (écrit entre 1589 et 1595?), c’est un appel à la reine — à la manière des sonnettistes — d’un courtisan tombé en défaveur, qui ne manque pas de sincérité malgré les excès d’une rhétorique sophistiquée qui apparenterait ce style à celui des poètes métaphysiques.Quant à ses œuvres en prose, on peut louer la magnificence des descriptions dans ses récits de voyage, riches de détails concrets, écrits dans une langue robuste et sans affectation, contrairement à sa correspondance souvent obscure et prolixe. Son Histoire du monde est un monument qui mériterait d’être plus fréquemment visité. Elle couvre l’Antiquité depuis l’histoire du peuple juif jusqu’à la conquête de la Macédoine par les Romains, et laisse l’impression d’un grand dessein moral et philosophique inachevé, où les commentaires sont plus importants que les faits et où les spéculations sur le rôle de la Providence peuvent paraître anachroniques.
Encyclopédie Universelle. 2012.